30/06/2017
"Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme _ je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame.. C’est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. Nous pensons ainsi répondre au désir conscient ou inconscient de toutes les femmes qu se trouvent dans cette situation d’angoisse, si bien décrite et analysée par certaines des personnalités que votre commission spéciale a entendues au cours de l’automne 1973. Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation ce détresse, qui s’en préoccupe ? La loi les rejette non seulement dans l’opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l’anonymat et l’angoisse des poursuites. Contraintes de cacher leur état, trop souvent elles ne trouvent personne pour les écouter, les éclairer et leur apporter un appui et une protection. Parmi ceux qui combattent aujourd’hui une éventuelle modification de la loi répressive, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d’aider ces femmes dans leur détresse ? Combien sont-ils ceux qui au-delà de ce qu’ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l’appui moral dont elles avaient grand besoin ? Je sais qu’il en existe et je me garderai de généraliser. Je n’ignore pas l’action de ceux qui, profondément conscients de leurs responsabilités, font tout ce qui est à leur portée pour permettre à ces femmes d’assumer leur maternité. Nous aiderons leur entreprise ; nous ferons appel à eux pour nous aider à assurer les consultations sociales prévues par la loi. Mais la sollicitude et l’aide, lorsqu’elles existent, ne suffisent pas toujours à dissuader. Certes, les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes sont parfois moins grave qu’elles ne les perçoivent. Certaines peuvent être dédramatisées et surmontées ; mais d’autres demeurent qui font que certaines femmes se sentent acculées à une situation sans autre issue que le su***de, la ruine de leur équilibre familial ou le malheur de leurs enfants. C’est là, hélas !, la plus fréquente des réalités, bien davantage que l’avortement dit « de convenance ». S’il n’en était pas ainsi, croyez-vous que tous les pays, les uns après les autres, auraient été conduits à réformer leur législation en la matière et à admettre que ce qui était hier sévèrement réprimé soit désormais légal ? Ainsi, conscient d’une situation intolérable pour l’État et injuste aux yeux de la plupart, le gouvernement a renoncé à la voie de la facilité, celle qui aurait consisté à ne pas intervenir. C’eût été cela le laxisme. Assumant ses responsabilités, il vous soumet un projet de loi propre à apporter à ce problème une solution à la fois réaliste, humaine et juste."
- Extrait du discours de Simone Veil -