04/02/2025
AFFAIRE GADEAU : LA JUSTICE AURAIT-ELLE RETROUVÉE LA VOIE ?
Ce lundi 3 février 2025, le responsable de la mort d’Alain Gadeau, 64 ans au moment des faits, et des graves blessures de Valentin B.15 ans, comparaissait devant la 12ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon.
Après les traditionnelles excuses et regrets du prévenu, la présidente rappelle les détails des événements du vendredi 21 septembre 2018 entre 7h25 et 8h05
UNE COURSE-POURSUITE QUI N’A RIEN À ENVIER AU CINEMA.
A la suite d’une infraction au code de la route, à l’intersection du cours de la République et de la rue Dedieu à Villeurbanne - Rhône -, Nabil Saoula au volant d’un Rand Rover, loué par un tiers, refuse d’obtempérer et prend la fuite à très vive allure en plein centre-ville à une heure de très fort trafic.
Une poursuite s’engage. Le conducteur, multirécidiviste (9 mentions au casier judiciaire dont 4 pour délits routiers, conduite sans permis, refus d’obtempéré, vol avec violence, conduite sans assurance et en état d’ivresse), n’est plus titulaire de son permis de conduire, il est comme ses deux passagers, très alcoolisé 1,3g d’alcool. A noter que pendant son contrôle judiciaire il a été une nouvelle fois interpellé pour conduite sans permis.
Dans la poursuite il franchit Stops, feux rouges, roule à contre sens, percute des véhicules d’automobilistes et de police. Ce qui devait arriver dans une telle situation arriva.
Nabil Saoula perd le contrôle du véhicule, monte sur un trottoir, explose le mobilier urbain et renverse le jeune Valentin et Alain qui se retrouvent tous les deux sous le Rand Rover immobilisé. Valentin gravement blessé réussit à s’extraire dans un ultime effort, mais Alain convalescent d’une intervention chirurgicale, n’est pas en capacité de se dégager.
Le fuyard ne s’intéresse pas aux victimes, il prétend ne pas les avoir vu, il redémarre, effectue une marche arrière et passe une seconde fois sur Alain et l’écrase. Alain agonisera 72 minutes, avant de décéder, dans un état que la décence interdit de décrire. C’est l’horreur !
La poursuite continue, à des vitesses folles, Villeurbanne, Caluire et cuire, Lyon 4ème et 9ème, jusqu’à 120 km/h rue Marietton, il frôle des piétons, des élèves devant une école, roule sur le trottoir, percute un véhicule de police.
Comme à son habitude, toutes les règles de conduite sont violées, Stops, feux rouges, contre sens. Il fallait échapper à la police, récupérer son passeport, de l’argent et partir au « bled » selon les témoignages affirmés et confirmés par les deux occupants du véhicule. Une course-poursuite qui n’a rien à envier au cinéma.
7h50 le véhicule s’immobilise enfin : contre un arbre ! Mais rien n’arrête le fuyard. Il quitte le véhicule, laisse ses passagers et s’enfuit dans un espace végétalisé de la Duchère. Les policiers le poursuivent et l’interpellent non sans mal. Il les agresse, les insulte copieusement, appelle à l’aide les gens du quartier et oblige les policiers à faire usage d’un pistolet à impulsion électrique à plusieurs reprises.
Placé en garde à vue, il restera agressif : des coups de tête contre les murs et 19 coups de pieds violents contre la porte. Il tentera en vain de faire croire à de la violence policière.
De ces faits, Nabil Saoula a effectué 1 an de prison préventive, puis a été placé sous contrôle judiciaire que d’ailleurs il n’a pas scrupuleusement respecté aux dires de la présidente du tribunal, puisque durant cette période il a été contrôlé au volant d’un véhicule alors qu’il n’a plus de permis de conduire valide.
A la barre du tribunal Nabil Saoula, 36 ans, se présente libre, accablé et repenti, 6 ans et demi après. Il présente à plusieurs reprise ses excuses. Il prétend avoir compris, qu’il n’est plus le même homme, que depuis il a 3 très jeunes enfants.
UNE AUDIENCE PARTICULIÈREMENT BIEN PRESIDÉE.
La présidente du Tribunal a présenté au nom de l’institution judiciaire, des excuses eu égard au temps écoulé depuis 2018. Il faut préciser que la procédure a été alourdie du fait que la question première était de savoir si la manœuvre volontaire de redémarrage en marche arrière était retenue, ce qui orientait l’affaire vers les assises. Qualification « d’homicide volontaire » non retenue par la Chambre de l’Instruction à la lecture de l’instruction menée par le très connu Juge d’instruction Patrick A., qui juge plus souvent selon ses orientations, qu’il n’instruit avec objectivité. Une réflexion qui a peut-être pesée dans le verdict.
Il faut souligner une audience particulièrement bien présidée et des acteurs très professionnels. Des faits bien exposés, des questions légitimes, un réquisitoire à la hauteur de la situation, une procureure qui a eu le courage de demander la peine maximale encourue - 10 ans de prison -, les avocats des parties civiles, Maîtres Julia Pelfrene du cabinet Bohé et Maître Manuella Spee, clairs et concis dans leur narration de l’horreur et une défense de Maître Julien Charle qui n’a rien négligé dans sa plaidoirie : « Ce n’est pas un monstre et l’emprisonner serait un anachronisme judiciaire »
Mais la gravité des faits l’a emporté : le tribunal a prononcé une peine de « 8 ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt différé et annulation du permis avec 3 ans d'interdiction de le repasser ».
Même si, avec les remises de peine, la totalité ne sera pas exécutée, le message délivré va dans le sens, des demandes des victimes, et de l’association « Et 6 c’était vous » qui plaide depuis plus de 8 ans, pour la qualification « d’homicide routier », dont elle est à l’origine, avec plus de sévérité dans les peines prononcées. Projet déposé en janvier 2024 par les députés avec lesquels l’association a travaillé et reporté suite à la dissolution de l’assemblée nationale.
Une décision qui apaisera sans doute la famille d’Alain, dont le frère Francis est depuis mort de chagrin en 2020. Une famille qui s’est exprimée, à la barre, par la voix du fils de Francis, tout dans l’émotion, sans haine qui ne souhaite pas au coupable de vivre un jour un tel drame.
Et peut-être une décision qui permettra à Valentin de poursuivre sa reconstruction après des années de souffrances physiques et psychologiques.
ESPÉRONS !
Pour une fois, « le tout ce qu’il faut » dans le code pénal, rappelé par l’ex Ministre de la Justice et Garde des Sceaux Nicole Belloubet, que nous avions interpelé en son temps, a été appliqué.
Reste maintenant à faire adopter la loi sur l’homicide routier, au-delà de la sémantique et amendée de nos requêtes.
Là où l’indulgence, parfois incompréhensible, a échoué, la juste fermeté réussira peut-être.
DERNIÈRE MINUTE
A l’heure où nous publions, nous apprenons que le prévenu a interjeté appel de la décision du tribunal. Aussi, le procureur et la partie civile ont interjeté appel incident.